La résilience, c’est la capacité d’un individu ou d’un système (une organisation, d’un éco-système ou d’une population) à se (re)construire après une forte perturbation de l’environnement, ou après un épisode traumatique : une catastrophe naturelle, une guerre, ou … une épidémie.
La notion de résilience nous vient du monde de la physique des matériaux : il s’agit de la capacité d’un corps à résister aux chocs sans se briser.
On parle généralement de résilience face à un traumatisme important : vous avez frôlé la mort dans un accident, vous avez connu une maladie grave, etc. A noter que, si les notions sont proches, il ne faut pas confondre le processus de deuil avec la capacité de résilience : cette dernière est une ressource interne, alors que deuil est lui un processus au-travers duquel on passe suite à une perte.
Le sujet de la résilience est intéressant en cette période de pandémie. Une personne avec une grande résilience passera en effet mieux cette épreuve, et se relèvera plus vite. Quand on cherche à l’améliorer, on tombe souvent sur les conseils suivants :
- Augmenter son estime de soi
- Avoir une base de sécurité interne
- Etre flexible face au changement
- etc.
Ce que je trouve frustrant en parcourant cette liste, c’est que ce ne sont pas des choses qui se décident du jour au lendemain. Travailler son estime de soi par exemple est un processus de longue haleine.
Voilà pourquoi je vous propose cinq recettes toute simples à appliquer dès aujourd'hui pour augmenter votre résilience.
1. Agir dans sa zone de contrôle
Certes, nos libertés actuelles sont entravées. Nous sommes inquiets, voire angoissés, pour notre santé et celle de nos proches. Nous avons peut-être aussi des ennuis financiers.
Connaissez-vous le cercle de contrôle ? C’est une notion qui a été développée par Stephen Covey (Circle of control & circle of concern), que j’ai un peu adaptée à ma sauce. Voyez plutôt :
Prenons un exemple simple : l’éducation des enfants. Dans ma zone de contrôle se trouvent tous les actes que je pose avec eux : comment je leur parle, ce que je leur donne à manger, les activités que j’ai avec eux, le regard que je pose sur eux. Tout cela, c’est moi qui le décide.
Ce qu’ils vont en faire par contre se trouve non pas sous mon contrôle (en tout cas à partir d’un certain âge), mais dans ma zone d’influence. Si je parle avec respect à mon enfant, il est probable, mais pas certain, qu’il va lui-même adopter une attitude respectueuse envers les autres. Pas certain en effet, car un enfant a sa propre personnalité, et reçoit aussi d’autres influences que la mienne, ce qui va l’amener à faire ses propres choix.
J’ai rajouté une troisième dimension : on parle parfois de la zone de préoccupations, je préfère une version plus constructive : la zone de lâcher-prise. Toujours dans mon exemple, je peux choisir avec soin leur école, mais les événements qui s’y déroulent, et qui vont avoir un impact sur mes enfants, sont totalement hors de ma zone de contrôle et d’influence. De même par exemple que les changements législatifs, qui feraient que telle ou telle école où je souhaitais les inscrire ne sera désormais plus accessible pour eux.
De nombreuses personnes mettent beaucoup d’énergie dans la zone de lâcher-prise. A tort. Vous l’avez compris, je n’ai pas d’impact sur ce qui s’y passe, je gaspille donc cette énergie.
Si je reprends l’exemple de la pandémie, je peux passer beaucoup de temps et d’énergie à regretter la fermeture de mon restaurant préféré. Totalement inutilement bien sûr. Par contre, si je me recentre sur ma zone de contrôle, je peux contacter les gérants de ce resto pour savoir s’ils font des menus à emporter, je peux partager l’information avec mes voisins ou sur les réseaux sociaux, pour soutenir cet établissement pendant la crise.
2. Projeter des images positives du futur.
Projeter des images positives du futur, ce n’est pas rêver à n’importe quoi. Ce n’est pas se dire simplement ‘J’aimerais faire le tour du monde en voilier’, surtout si vous avez le mal de mer !
En revanche, cette période propice à l’introspection et à la (re)découverte de nos vraies valeurs vous a peut-être fait prendre conscience que vous voulez vraiment aller visiter le Pérou et ses pyramides Inca. Ou que vous souhaitez réunir tout votre cercle amical une fois par an pour une grande fête.
Dans ce cas, vous pouvez faire deux choses :
- imaginer ce futur positif (sans fixer une date) aussi précisément que possible : ce qui va se passer, avec qui, etc. Cet exercice est à faire de préférence par écrit, pour bien l’ancrer.
- commencer à vous y préparer : épargner pour ce projet, rassembler les informations, etc.
Vous vous projetez activement ainsi dans ce futur. Et quand la crise sera finie, il y a des chances que vous pourrez le concrétiser, puisque vous vous y serez préparé.
3. Explorer ce que la situation actuelle nous apprend de constructif sur nous.
Depuis une année maintenant, il est certain que vous avez découvert certaines choses à votre sujet : vous vous êtes surpris à consacrer de l’attention à cette voisine que vous ignoriez auparavant. Ou vous avez découvert combien passer une journée à ne rien faire est finalement bénéfique.
Ainsi, mon mari et moi marchions déjà beaucoup avant la crise, et le confinement a laissé pas mal de dimanches libres. Nous avons donc décidé de consacrer un dimanche par mois à une randonnée : nous cherchons un parcours dans une région que nous ne connaissons pas, et partons dès le matin avec notre pique-nique dans le sac à dos. C’est pour nous à la fois un moment de qualité ensemble, qui fait du bien à notre corps, et nous permet de découvrir notre belle Belgique.
Qu’avez-vous découvert d’important dans cette période ? Et comment avez-vous envie de conserver cet apprentissage ?
Cela peut vous sembler difficile, mais je vous invite vraiment à ne pas baisser les bras trop rapidement sur ce questionnement. L’être humain est ainsi fait qu’il voit plus vite ce qui ne fonctionne pas que ce qui fonctionne; prenez donc du temps pour explorer ce qui a changé positivement pour vous pendant cette période, même si ce n’est que de toute petites choses, comme demander à votre voisin s’il a besoin de quelque chose du supermarché.
Rappelez-vous que l’océan, ce n’est finalement que des milliards de gouttes d’eau juxtaposées.
4. Utiliser positivement les plaintes.
Bon, je vous le dis tout de go : les gens qui se plaignent me fatiguent, surtout si c’est récurent. Les plaintes ont ceci de particulier qu’elles sont dirigées sur la zone de lâcher-prise (voir plus haut) et brassent des mégatonnes d’énergie négative.
Pourtant, on peut les voir aussi autrement : une plainte est l’expression d’un besoin insatisfait. Si je me plains d’être seul, c’est que j’ai besoin de voir du compagnie ; si je me plains de manger chaque jour la même chose, c’est que j’ai envie de varier mon alimentation ; si je me plains de la pluie, c’est que j’ai envie de pouvoir profiter du soleil…
Quand une plainte pointe le bout de son nez, ou quand quelqu’un de votre entourage se plaint, je vous propose donc trois étapes :
- Accueillez la plainte, et exprimez l’émotion qui s’y cache, avec vos mots : triste, déçu, découragé, abandonné ? Accueillez cette émotion, c’est un trésor précieux, un vrai cadeau. Oui, même les émotions désagréables ont un rôle important à jouer, et si nous ne les accueillons pas, elles se fraieront un autre chemin.
- Explorez le besoin que la plainte révèle : quelle demande aimeriez-vous formuler ? Attention, il est important de distinguer le besoin de la façon de le satisfaire. Le besoin est universel, la solution n’est qu’un parmi les nombreux moyens d’y répondre. Ainsi, avoir besoin de contacts sociaux est bien un besoin, tandis qu’aller au restaurant avec des amis est une solution. Si vous ne clarifiez pas le besoin, vous aurez du mal à trouver une réponse possible, et resterez juste avec votre frustration.
- Comment pouvez-vous, dans les circonstances actuelles, satisfaire ce besoin ? Utilisez votre créativité et concentrez-vous sur votre zone de contrôle. Nous avons une chance inouïe : le monde moderne nous offre une multitude de possibilité que nous n’aurions pas eues il y a cinquante ans. Par exemple, la semaine prochaine, quinze familles de mon village vont pouvoir assister en famille à un spectacle pour enfants, via internet. Ils pourront réagir – presque- comme s’ils étaient dans la salle, et interagir avec les comédiens. Je peux aussi appeler ma maman en vidéo à chaque fois qu’elle me manque. Lors du premier confinement, nous avons organisé dans la rue un apéro entre voisins, chacun à bonne distance. Les solutions sont plus nombreuses que nous ne croyons.
Une fois ceci fait, si certaines solutions ne sont pas possibles pour l’instant, vous pouvez les stocker soit dans votre zone de lâcher-prise, soit dans votre journal de projections positives.
5. Se connecter à des moments où on a été fort, où on a dépassé ses limites.
Même si pour l’instant vous avez l’impression que c’est trop lourd, que vous n’allez pas y arriver, je suis certaine que vous avez déjà dû affronter des épreuves dans votre vie, et avec succès. Ces moments sont des ressources précieuses.
Je vous propose un petit exercice pour vous y reconnecter, et en extraire vos atouts.
- Choisissez un moment calme et un endroit où vous ne serez pas dérangé pendant dix minutes. Prévoyez de quoi écrire à portée de mains.
- Installez-vous confortablement et prenez trois grandes inspirations, pour créer une coupure.
- Fermez les yeux, ou si c’est inconfortable pour vous, fixez un point de la pièce sans vraiment le regarder.
- Partez à la recherche d’un moment dans votre vie où vous avez réussi à vous sortir d’une situation difficile. Même un petit peu, même incomplètement. Pas besoin d’avoir sauvé la vie de quelqu’un, ça peut être une anecdote toute simple.
- Reconstituez ce moment avec le plus de détails possible : le lieu, les couleurs, les odeurs, comment vous étiez habillé, comment étaient les autres personnes, les sons. Reprenez le scénario avec autant de détails possible.
- Qu’avez-vous ressenti ? Quelles émotions désagréables avez-vous ressenti ? Puis comment votre ressenti a-t-il évolué ? Quel sentiment au moment de la réussite ? Joie ? Fierté ? Apaisement ?
- Quelles ressources, talents, compétences, … avez-vous mis en oeuvre ? Avez-vous fait preuve de concentration, de persévérance, de créativité ? Avez-vous développé une énergie exceptionnelle ? Avez-vous eu l’audace de demander de l’aide au bon moment ? Etes-vous sorti de votre zone de confort, pris des risques ? Avez-vous mis en oeuvre une connaissance spécifique ? Avez-vous fait preuve d’empathie, de calme ? Allons, laissez votre humilité de côté, personne ne vous regarde…
- Pendant tout le processus, racontez-vous l’histoire à voix haute. Il est important que votre cerveau entende cette belle histoire.
- Mettez maintenant cette histoire par écrit, comme si vous deviez la fournir à un ami en train d’écrire un roman sur ce sujet. Soyez aussi complet que possible, en soulignant surtout ce que vous avez mis en oeuvre pour résoudre la situation. Remplacez la longue liste de difficultés qu’on a l’habitude de faire par une liste aussi longue des ressources que vous avez déployées pour y faire face.
- Comment vous sentez-vous ?
L’intérêt de cet exercice est double : vous allez vous remettre en mémoire vos forces. Et quand vous aurez le moral dans les chaussettes,vous pourrez y retourner pour puiser à nouveau son énergie.
Vous pouvez également répéter l’exercice plusieurs fois, autant de fois que voulez en fait. En comparant les histoires, il est fort probable que vous découvrirez des forces dont vous n’aviez peut-être pas conscience.
Ce qui nous est difficile pour l'instant, c'est le manque de perspective. Quand pourrons-nous à nouveau serrer nos parents dans nos bras ? Pourrons-nous partir à l'étranger cet été ? Quand nos enfants pourront-ils retourner à l'école normalement ? Quand allons-nous revoir nos collègues ? Dans ces circonstances, rester en contact avec l'instant présent est essentiel, ainsi que la conscience de nos propres ressources. C'est ce que je vous ai proposé au-travers de cet article. Prenez soin de vous !