Chaque année, c’est la même rengaine. Dès mi-septembre, tout le monde réalise qu’il reste à peine 12 semaines avant les congés de Noël, et que vous avez encore des tas d’objectifs à atteindre. Les mails fusent, les réunions s’empilent, chaque département vous demande votre participation pour tel ou tel projet qui n’est pas dans vos priorités, mais qui est si important pour eux ou pour l’organisation.
Si vous avez de jeunes enfants, s’ajoutent les réunions de parents, les cahiers à recouvrir, la tenue vert pâle exigée par la professeure de danse classique à trouver pour demain soir et le retour du mode taxi du week-end. Bref, on est mi-septembre et vous avez l’impression que vos dernières vacances remontent à trois ans !
Or, quels que soient vos talents extraordinaires, il y a une chose qui est immuable : une journée, c’est 24 heures, ou 1.440 minutes, ou 86.400 secondes. Pas une de plus.
Si vous voulez réaliser quelques objectifs clé dans les prochaines semaines sans vous écrouler, il est urgent de mettre en place quelques bonnes habitudes et de (re)développer certaines compétences. Je vous propose ici une approche structurée en trois grandes étapes : trois questions à vous poser, trois bonnes habitudes à prendre, et trois compétences à déployer. Plus une dernière pour maintenir le tout dans la durée.
Trois questions à vous poser.
Ca peut sembler évident, mais augmenter votre connaissance sur la situation et sur vous-même pourra singulièrement vous aider à devenir plus efficient.
1. Quelles sont vos priorités ?
Normalement, vous devriez connaître vos priorités professionnelles. Quoique … Pouvez-vous citer vos trois priorités absolues pour 2022 ? On a souvent une liste de priorités longue … comme une liste de to do’s !
Un petit rappel s’impose : non, tout n’est pas prioritaire ! Avoir des priorités, ça signifie les classer de la plus importante à la moins importante. Cela permet, si vous devez arbitrer des ressources (et le temps est une ressource), de donner priorité à l’objectif avec la priorité la plus haute. Ca peut sembler évident dit comme ça, pourtant la pratique montre que c’est loin d’être aussi simple.
Dernière dimension à prendre en compte : cela vaut pour votre vie professionnelle ET votre vie privée. Si nous avons plus ou moins conscience de nos priorités professionnelles, rythmées par le cycle objectifs/évaluation, c’est rarement le cas pour notre vie privée. Si vous deviez choisir entre nettoyer votre maison et aller faire votre séance de sport, que feriez-vous ?
2. Quels sont vos besoins ?
Une fois vos priorités connues, savez-vous de quoi vous allez avoir besoin ? De temps bien sûr, mais aussi probablement de matériel, de soutien, de budget ? Et qu’en est-il de vos besoins physiologiques ? De combien d’heures de sommeil avez-vous besoin pour bien fonctionner ? De combien d’heures de sport pour maintenir votre condition physique au top ?

Notre corps et notre cerveau ne sont pas des machines. Les deux ont besoin de temps de repos, de pause, de détente et de plaisir. Regardez honnêtement votre emploi du temps. Quand rechargez-vous vos batteries (et je ne parle pas de s’effondrer devant la télé en ingurgitant n’importe quelle série débilitante) ? Quand offrez-vous du mouvement à votre corps ? Quand laissez-vous vos yeux loin d’un écran ? Quand prenez-vous soin de vos relations ? Oubliez ces besoins, ils se rappelleront à vous à un moment ou à l’autre, et ça risque d’être douloureux. Alors, anticipez, et bloquez du temps pour prendre soin de vous. En fait, cela devrait être votre priorité absolue !
3. Quels sont vos pièges préférés ?
Etes-vous plutôt l’empathique qui va prendre le travail de ses collègues parce qu’ils sont surchargés ? Ou plutôt le perfectionniste qui peut passer deux heures de plus sur cette présentation, juste pour que toutes les formes soient parfaites ? Ou encore le rêveur qui a du mal à décider s’il va terminer sa phrase par un point ou un point d’exclamation ?
Identifiez ces petites phrases qui tournent dans votre tête et plombent votre efficacité. Ces croyances limitantes qui vous convainquent que pour être aimé, vous devez faire plaisir, ou être parfait. Ces peurs irrationnelles qui vous empêchent de simplement demander de l’aide ou refuser une tâche supplémentaire.
Mettez-vous le plus souvent en observation de vous-même (on appelle cela la méta-position) pour traquer toutes ces pensées qui vous empêchent de vous déployer.
Trois habitudes à prendre d’urgence.
Cela vous arrive-t-il, à la fin de la journée, d’avoir la douloureuse impression de n’avoir rien accompli, alors que vous avez couru tout le temps ? Une des principales raisons de cette sensation est qu’on confond occupé et efficient. Je vous partage ici les trois outils qui sont à mon sens essentiels pour augmenter fortement votre productivité, et donc libérer du temps.
1. Travaillez sur l’important.
Ce qui est urgent, c’est ce dont on doit s’occuper sans retard. Une urgence non traitée peut entraîner à très court terme un problème. Ce qui est important, c’est ce qui va contribuer à vos objectifs à plus ou moins long terme. Là où ça devient intéressant, c’est que c’est souvent parce que quelqu’un n’a pas traité quelque chose d’important, que tout d’un coup ça devient une urgence. Et le pire, c’est que les urgences qui vous tombent dessus ne sont pas toujours les vôtres…
Prenons un exemple tout simple (c’est du vécu !), vous allez comprendre : vous avez demandé à votre conjoint de faire remplir la citerne à mazout. Tout occupé à d’autres priorités, il/elle a oublié de le faire. Nous sommes samedi 15 heures, le temps est bien gris, dix amis vont débarquer dans deux heures, et … plus de chauffage. Il ne reste plus qu’à filer à la station-service remplir quelques jerricans, pour tenir le coup jusque lundi, où vous téléphonerez en urgence à votre livreur. Une urgence dont vous vous seriez bien passé !
Pour bien différencier urgent et important, et améliorer votre efficacité, je vous présente la matrice d’Eisenhower. Comment l’utiliser ?

La zone qu’on aimerait voir vide, mais dont il faut s’occuper dès qu’elle ne l’est plus, c’est ‘urgent/important’. Si vous ne vous en occupez pas, vous risquez à court terme une crise ou un problème. On y trouvera par exemple cette offre que votre client important vous a demandée ce matin en urgence car il rencontre sa direction demain et veut faire passer le budget. Ou ce rendez-vous à fixer chez le dentiste pour la rage de dent du fiston. Ou bien sûr le voyant qui vient de s’allumer sur votre voiture.
La zone dans laquelle vous devriez passer le maximum de temps, c’est ‘non-urgent / important’. Travailler ici vous permettra de mieux planifier vos tâches, de faire du travail plus qualitatif, et de diminuer votre stress. Comme nous l’avons vu, c’est aussi un bon moyen d’éviter de charger la zone des urgences importantes.
La zone ‘urgent / non-important’ est le plus souvent polluée par des urgences … des autres ! C’est votre collègue qui a oublié de vous demander de valider tel rapport pour ce soir, votre voisine qui vient vous importuner avec des problèmes insolubles, le Xme appel de cette société de téléphonie, … Ce n’est pas facile, mais vous allez devoir refuser de consacrer du temps à cette zone, ou déléguer la tâche à celui pour qui ce sera important. Il s’agit ici de fixer des limites et d’inviter chacun à assumer ses propres responsabilités.
Le ‘non-urgent/non-important’ quant à lui doit tout simplement être supprimé. On trouvera ici le temps perdu à vous promener sur internet sans but précis, à changer pour la 42me fois la forme de ce slide alors que votre présentation est déjà plus que parfaite, ou encore à participer à une réunion où vous n’avez aucune valeur ajoutée. N’hésitez pas une seconde, débranchez !
2. Fixez vos priorités la veille
Il s’agit ici d’une habitude toute simple mais rudement efficace : planifier votre journée la veille au soir. Instaurez un rituel de fin de journée : avant de fermer votre ordinateur ou la porte de votre bureau, prenez un moment pour réfléchir à ce qui, demain, vous fera vraiment avancer vers votre objectif. Terminer la lecture de ce rapport ? Appeler Stéphane pour décider ensemble de la suite du projet X ? Maintenir à tout prix le lunch avec ce client potentiel ? Ou prendre une heure avec votre fille pour discuter de son avenir ?
Fixez-vous au maximum 3 priorités par jour, les 3 choses qui vous feront dire demain soir que vous avez vraiment avancé. Et écrivez-les quelque part !! On sous-estime souvent le pouvoir de l’écrit, or il y a deux gains immédiats : vous ne devrez pas faire un effort demain matin en vous demandant ce que vous aviez prévu, et vous prenez une forme d’engagement avec vous-même de réaliser ces trois priorités.
Personnellement, je liste aussi d’autres tâches que j’aimerais réaliser le lendemain, mais qui sont de moindre priorité. Selon le temps qu’elle vont me prendre, mon énergie et mon rythme, je les réalise rapidement entre deux gros blocs, ou je les reporte si je n’ai pas eu le temps.

3. Ne démarrez jamais la journée par vos mails !
Voilà probablement l’habitude que vous aurez le plus de mal à tenir dans notre monde hyper-connecté mais qui, combinée à la précédente, fera une différence immense sur vos accomplissements. Je vous garantis qu’à 10 heures du matin vous aurez le sentiment d’avoir accompli une journée de travail !
Mais tout d’abord, pourquoi agissons-nous de la sorte ? La cause est à trouver dans le fameux FOMO (‘Fear Of Missing Out’). La peur de manquer (une information) qui nous pousse à scruter les réseaux sociaux et nos mails à toute heure du jour et parfois de la nuit. Je connais d’anciens collègues qui lisent leurs mails dès le réveil, encore au lit !
En agissant ainsi, vous mettez votre cerveau en mode automatique. Il va commencer à traiter les informations, classer, donner de l’importance. Ce n’est donc pas vous et vos choix de priorités qui allez décider de vos tâches prioritaires de la journée, mais votre mailbox. Avec de grandes chances que vous allez tomber dans l’urgent / non-important, et donc laisser l’important à plus tard. D’où ce sentiment de n’avoir rien fait en fin de journée. La boucle est bouclée.
Trois compétences à (re)développer.
Laura, une de mes coachées, maîtrisait parfaitement tout ce que je viens de vous expliquer, et même au-delà. Les outils d’organisation d’avaient aucun secret pour elle, elle connaissait les bonnes habitudes et tentait de les appliquer. Pourtant, ça ne marchait pas. Pourquoi ? Parce que les outils ne sont rien si vous ne travaillez pas à ce qui vous définit. Nous l’avons déjà un peu abordé dans les pièges par exemple, mais ce sont fondamentalement certaines croyances limitantes qui vont glisser des peaux de bananes sous vos bonnes résolutions. Voyons trois croyances qui pourraient être utiles à détricoter dans ce cas.
1. Bien savoir dire non.
J’ai très longtemps fait partie des gens pour qui dire non est tout simplement impoli. On doit faire plaisir pour être aimé, et pour faire plaisir, on peut se mettre soi-même en difficulté. Cela m’a menée dans de nombreuses situations scabreuses, jusqu’au jour où j’ai pris conscience du poids que cette mauvaise habitude faisait peser sur ma vie.
Par ailleurs, dire un vrai NON vous ouvre la possibilité de dire un vrai OUI. Car que se passe-t-il quand on dit oui à tout sans vraiment le penser ? On risque de faire les choses à moitié, voire de ne pas pouvoir tenir parole. Tandis que s’offrir le temps de la réflexion et l’autorisation du refus nous met dans une position active et impliquée. Nous devenons plus autonomes et donnons une image de plus grande fiabilité.
Deux petits conseils si vous avez du mal :
- Trouvez votre ‘mentor du non’. Regardez autour de vous, vous avez certainement un ami ou un collègue qui sait dire non. Observez-le, au besoin parlez-en avec lui. Comment pourrait-il vous inspirer ? Il va certainement vous dire certaines choses qui vont vous hérisser, mais réfléchissez plus loin, identifiez les croyances qui coincent, et cherchez quelques trucs à mettre en place
- Dites non à la situation et oui à la personne. Votre ami vous demande de l’aide, mais c’est tout à fait impossible pour vous ? Formulez une réponse où vous montrerez de l’empathie pour lui et sa situation, tout en expliquant que vous ne pouvez vraiment pas l’aider. Aidez-le éventuellement à chercher d’autres alternatives.
2. Mettre les responsabilités à leur place.
« Oui, mais si je ne le fais pas, personne ne le fera ». Combien de fois ai-je entendu cette phrase pendant un coaching ! C’est très positif et super chouette d’être impliqué dans son travail, c’est une valeur fortement appréciée par votre hiérarchie.
Oui, mais jusqu’où ? Car pendant que vous faites un travail qui n’est pas le vôtre, qui s’occupe de votre travail ? Qui fait avancer vos priorités ? Et, désolée de vous décevoir, mais à moins d’être le CEO, vous n’êtes pas responsable de tout ce qui se passe dans votre entreprise !
Ce genre de phrase est en ce qui me concerne un indicateur d’incohérence. Soit les priorités ne sont pas les bonnes, soit les moyens ne sont pas à la mesure des objectifs. Dans les deux cas, la situation devrait être rediscutée, et des décisions prises.
Petite nuance : je ne dis pas que vous ne devez jamais aider vos collègues, surtout dans certaines circonstances – imaginez une infirmière qui dirait que ce n’est pas son patient et que donc elle n’intervient pas alors que la personne est en train de faire un malaise. Je parle ici de situations récurrentes, voire structurelles dans certaines organisations … ou avec certains profils de personnalité.
3. Cultiver le lâcher-prise.
Mettons tout de suite les choses au point: lâcher-prise ne signifie pas laisser tomber ! La notion de lâcher-prise est en fait fortement liée au point précédent : vous concentrer sur ce qui est sous votre responsabilité, ou plus exactement dans votre zone de contrôle.
Pensons à un étudiant qui prépare un examen. S’il veut mettre toutes les chances de son côté, il aura bien étudié bien sûr, sera allé dormir tôt la veille après avoir fait un peu de sport et mangé léger. Et ça s’arrête là ! Il n’a aucun impact sur les questions qui lui seront posées, ni sur l’humeur du prof. Son résultat dépend donc en grande partie de lui, mais pas seulement. Il doit mettre son énergie à bien se préparer, puis lâcher-prise sur le résultat.
Cultiver un état d’esprit de lâcher-prise a deux composantes essentielles : comprendre ce qui dépend de vous, et accepter que le résultat final est souvent hors de votre zone de contrôle. Car tenter de maîtriser ce que vous ne pouvez pas revient à verser de l’eau dans un puits sans fond : une pure perte d’énergie. Pire, vous ne faites que vous générer du stress.

Et la dixième clé ?
Nous sommes tous faillibles, ou plutôt nous sommes tous en apprentissage permanent. Nous commettons des erreurs, nous sommes imparfaits et c’est très bien, cela nous permet de continuer à progresser, dans un esprit de développement.
Ma dernière clé est donc de vous regarder avec bienveillance, d’embrasser votre imperfection, et de continuer à faire de votre mieux.